Balade en mer

L’eau était vert clair. A l’horizon, le soleil rougeoyant se levait, se reflétait dans la mer Verte, illuminant le ciel d’innombrables couleurs chaudes. Les quelques mouettes volant dans le ciel d’azure, pêchaient tranquillement, animant la matinée monotone de cris suraigus, avant de s’attaquer à des bancs de poissons. Ceux-ci nageaient lentement pour la plupart, profitant de cette mer douce. Certains bateaux de pêches commençaient à partir de l’archipel Vert, suivant le même chemin que les mouettes. Le silence était presque absolu, le bruit des vagues, les piaillements des mouettes et les quelques hurlements présents sur un bateau le brisaient.
« Alors Flanbürgh, tu te dépêches oui ? J’espère que tu ne dors pas sinon ça va barder ! »

- Ouais, ouais, ça vient ma p’tite dame…alors, voyons voir… fait super beau, y’a juste les mouettes qui braillent comme pas possible, j’aimerais bien leur jeter un truc… rien que pour essayer…

« Et la mer ? » demanda Elenos.

- La mer… la mer…, y’a un max de vagues, je te conseille de prendre un truc pour te protéger…

Elenos sortit alors de sa petite cabine – la seule de tout le voilier – et regarda la mer. Elle était lisse et limpide, pas la moindre vague, sauf peut-être quelques vaguelettes.

« Elle est d’huile la mer ! Tu fais exprès ou t’a un peu trop forcé sur la boisson ? »

- Ben j’te l’dit et redit, pour un lutin des bois, ce sont des vagues énormes… d’ailleurs, elles pourraient bien engloutir d’un seul coup un normiac bicéphale à longues cornes…

« C’est quoi ? Une grosse fourmi ? Tu veux que je te jette à l’eau voir combien de temps tu tiens avant de te faire engloutir ? »

- Non mais j’te jure… elle est de mauvais poil, comme tous les matins…

La fin de matinée passa très vite, comme tous les beaux jours de la semaine. La chouette fini par se lever et commença à pêcher, alors que Elenos se dirigeait vers un gros sac de vivres. Elle l’entreprit de l’ouvrir, le nœud était très bien serré, mais, c’est que lorsque qu’elle commença à perdre patience qu’elle réussi à l’ouvrir en coupant la corde avec une de ses lames d’acier. A l’intérieur, il ne restait que quelques provisions : des miches de pain, quelques fruits, un gros os, un jambon entamé et du fromage qui sentait assez fort.

(Pouah ! Quelle infection !), pensa Elenos.

« Flanbürgh, il faudra que l’on s’arrête au prochain port, on commence à manquer de vivres. Alors se sera cap à l’ouest ou un truc du genre. »

Elenos se retourna, cherchant des yeux un morceau de vert dans le marron du bois du bateau.

« Flanbürgh… houhou, Flanbürgh, où est-ce que tu es ? »

(Mince, c’est vrai…), pensa-t-elle alors.

« Euh… vénérée chouette, tu pourrais aller repêcher Flanbürgh s’il te plaît ? »

« Allez, courage, on y est presque »

- Waaaah ! J’vais m’envoler si ça continue...

La tempête faisait rage. La mer écumait d’énormes vagues qui s’écroulaient su le flan du bateau. Le ciel était gris, le soleil disparut derrière une bonne couche de nuages noirs. Il faisait sombre, Elenos était trempée jusqu’aux os, tremblante de froid, elle encourageait ses compagnons.

- … les lutins c’est fait pour rester sur terre, dans une jolie forêt avec toute sa petite famille… PAS PARTIR EN MER ET MANQUER DE SE NOYER UNE BONNE DIZAINE DE FOIS DANS LA JOURNEE !

Heureusement pour lui qu’Elenos n’entendit pas, à cause du rugissement de la tempête et des piaillements intempestifs de la chouette qui s’était alors miniaturisée (allez savoir pourquoi).

« Tu peux traduire ? » demanda Elenos à Doz (surnom).

- Elle dit qu’elle a vu une lumière vers le Sud, sûrement de phare si vous voulez mon avis.

« Merci. Flanbürgh, arrête de râler et fais en sorte que ce rafiot aille vers le Sud ! » Ajouta Elenos.

Le bateau décrivit une courbe en zigzag avant de pointer vers la direction voulue. A présent, malgré la noirceur du ciel, on pouvait distinguer un lumière, certes faible, mais qui indiquait un port. Elle s’intensifiait de minutes en minutes, dans la mesure où les vagues et le vent poussaient le voilier vers l’île.

« Cette fois, on y vraiment ! »

- Pourquoi, tu nous avait mentis avant ? demanda Flanbürgh .

Elenos ne prit pas conte de sa remarque et se prépara à lancer l’ancre. Le port n’était qu’a quelques mètres au-devant quand Flanbürgh lança d’un ton aperé :

- Oh, oh…

« Oh, oh quoi ? » demanda Elenos en se retournant.

Ce qu’elle vit ne fut pas banal : une énorme vague verte qui faisait au moins deux bonnes fois la taille du voilier s’élevait, prête à s’affaler dessus.

« Ah… ce oh, oh », murmura-t-elle.

Flanbürgh poussa un cri aigu, se dans les ailes de la chouette alors transformée au modèle supérieur, alors que la panthère se coucha, les pattes sur sa tête. Elenos n’en fit pas autan, elle eu l’excellent réflexe du condamné de lancer quatre de ses lames d’acier chacune à une extrémité du bateau, auxquelles étaient accroché un sortilège de déviement qui repoussa la vague. Elle s’écrasa dans sur les autres vagues qui paraissaient extrêmement petites comparées à ce montre, et propulsa le voilier qui s’éleva. Cette fois-ci, panique générale : tout le monde hurla – ou grogna – pendant dix bonnes secondes avant que le bateau ne s’écrase entre deux grosses caravelles amarrées au port.
Le soleil revint alors, chassant les nuages noirs, calmant la tempête.

- Vous voyez pourquoi je ne voulais pas venir…, commenta le lutin.

« Ca va, on a pigé… »

Elenos mit pied à terre, son petit voilier faisait pale impression à côté des énormes bateaux. Le soleil était revenu, et le ciel redevenait clément. La mer était de nouveau calme, écrasant ses petites vaguelettes sur les côtes. Les rues étaient bondées de monde, des petites lutins aux énormes trolls (pacifistes, cela va de soi), passant par les nains, nymphes, elfes, humains et autres créatures. Les boutiques colorées s’alignaient, laissant place à un immense temple en pierres de calcaire marin qui laissaient transparaître des reflets bleutés. Le temple était orné d’une statue en son sommet de la divinité Starus. Sur la façade du bâtiment, on observait des scènes représentant le dieu dans diverses scènes.
Elenos avançait vers le temple, s’arrêtant devant quelques boutiques à l’aspect accueillant, suite aux demandes perpétuelles de Flanbürgh perché sur son épaule, ou alors aux besoins de vivres. Lorsqu’elle arriva à la dernière boutique de la rue où elle s’était engagée, elle avait acheté assez de vivres pour tenir un bon mois.
Elenos n’était à présent plus qu’a quelques pas du temple. Sa grandeur était imposante, il faisait plusieurs dizaines de mètres. Elle s’avança un peu, impatience de rentrer à l’intérieur, lorsqu’une voix cassée de vieille femme interrompit sa marche :

- Oh, oh, ma petite, je ne rentrerais pas dedans si j’étais toi…

C’était une petite femme, qui faisait environ un mètre et trois pommes, elle avait énormément de rides, un long nez crochu, des petits yeux perçants, et sa peau semblait un peu trop grande pour elle. Bien qu’elle ne soit pas très haute, elle était bien large. Elle avait de longs cheveux noirs, gras et emmêlés, une robe noire et des chaussures noires. Bref, l’exemple même de la sorcière.

« Euh… bonjour madame, dit Elenos, pas très rassurée, pourquoi ne faut-il pas que je rentre dedans ? »

- Oh, oh, sauf si tu as l’intention de donner ces vivres en offrande au dieu, je ne te le conseillerais pas…

« Ah… euh, très bien. »

- Fais attention Elenos…ne la suis pas, quoi qu’elle te dise… elle me regarde bizarrement depuis tout à l’heure…, murmura Flanbürgh.

- Puis-je vous proposer de rentrer dans ma boutique ? Je vends des livres de magie voyez-vous…

« Des livres de magie ? Oh oui, avec joie ! », dit elle sans trop réfléchir, la magie avait des effets positifs avec elle, quelle que soit dans la phrase où c'était mentionné.

- Oh, oh, bien, très bien… suivez moi alors.

Elenos suivit la vieille femme qui s’avançait vers une ruelle adjacente à celle-ci, à l’aspect beaucoup moins accueillant, mais elle sentait la magie, jubilante d’excitation à l’approche d’autan de magie, alors que le lutin tentait désespérément de la retenir en s’accrochant à sa manche.

La fin d'après-midi arriva très vite. Elles avaient marché une demi-heure, traversant les rues encombrées de monde jusqu'a la petite boutique, qui n'avait pas fière allure entre deux gros magasins. Il commençait à faire sombre à cause l’ombre de l’immense temple cachant le soleil.
A présent, Elenos prenait le thé, ce qui n’était pas très commun de faire avec une sorcière, car, habituellement, on s’attend plutôt à de la bave de crapaud et des yeux de scarabées. Toutefois, le thé avait l’air normal, il avait une couleur vert pale d’où des vapeurs fumantes sortaient, et était servit avec une théière, et non un gros chaudron.
La boutique n’était pas très grande mais regorgeait d’articles de magie. De gros grimoires entassés dans une bibliothèque, plusieurs malles et bureaux regorgeant d’ingrédients, des rouleaux de parchemins où étaient inscrits des sorts et autres choses pour le moins étranges. Elenos ne savait plus où regarder. Cela faisait une heure qu’elle était entrée, mais son thé était toujours aussi chaud. Elle prit la parole pour la première fois depuis qu’elle était entrée :

« C’est un sort de chaleur perpétuelle ? »

- Oh, oh, je vois que tu t’y connais. Tu sais le jeter ?

« Oui, bien sur, c’est même assez facile, mais euh… d’où proviennent ces livres ? »

- Oh, oh, eh bien, j’ai connu de nombreux mages et sorciers, et ils m’ont fait don des livres qu’ils avaient écrits. Il y a des livres qui t’intéressent ?

Elenos reporta son regard sur les livres. Il y avait beaucoup de noms connus mais un attira particulièrement son attention.

« Vous avez connu Marly Vigher ? »

- Oh, oh, oui, puisque j’ai plusieurs de ses livres. Pourquoi, il t’intéresse ?

« Non, non, mais, c’est juste qu’il était très connu… »

- Oh, oh, oui, c’est vrai. Mais c’est dommage qu’il soit mort…

Elenos se leva, surprise : normalement, cette information devait rester secrète. Flanbürgh lui murmura quelque chose à l’oreille, mais elle n’entendit rien.

« Comment le savez-vous ? » demanda-t-elle.

- Oh, oh, c’est simple : tu viens de me le dire.

« Hein ? Mais je… avant… »

- Oh, oh, non, ce n’est pas ça, c’est que tu parlais de lui en disant « avez » et « était », j’en ai donc déduit qu’il n’était plus de ce monde. Mais, ce qui m’intrigue, c’est comment une jeune fille puisse être au courrant de sa mort alors qu’elle est inconnue des plus grands magiciens ?

« Euh… ben… c'est-à-dire que… »

- Oh là, là, tu n’as qu’a lui dire empotée, comme ça on sortira enfin d’ici ! Intervint Flanbürgh.

« Comment tu viens de m’appeler ? »

- Euh… jeune et gentille fille qui a commis une énorme bourde… euh… tu sais que tu as une lueur étrange dans tes yeux ?

Une fois Flanbürgh attaché à un des pieds de la table, la conversation continua :

« Eh, bien, en fait je suis sa… »

- Petite fille n’est-ce pas ? Acheva la vieille femme.

- Ouah ! Trop flippant ! Elle a pas fait « oh, oh », dit Flanbürgh.

« Comment le savez-vous ? » Demanda Elenos, ignorant la remarque du lutin.

La vieille femme ne répondit pas. Pour toute réponse elle se leva. Ses cheveux noirs et gras devinrent blonds, brillants, ses yeux grands et globuleux, rapetissèrent et un regard malicieux transparaissait derrière le bleu de ses iris, sa peau devint lisse et blanche, éliminant les rides qui lui coupaient le visage, et elle grandit, environ le double de sa taille actuelle. A présent elle avait l’aspect d’une jeune femme d’une vingtaine d’années. Elle regarda d’un œil amusé Elenos, dont l’ébahissement se lisait sur son visage. Flanbürgh, lui, s’écria :

- Mamie Néose !

- J’ai l’air d’une mamie peut être sachet de menthe ? demanda l’intéressée.

(Alors comme ça Flanbürgh à une grand-mère… déjà qu’il est vieux, alors elle, qu’est-ce que ça doit être…), songea Elenos.

- Rien de bien terrible ma petite, annonça la grand-mère, et que je ne reprendre plus à me traiter de vieille bique, petit nabot, où je te cloue à la table ! Ajouta-t-elle à l’adresse de Flanbürgh.

- Oui m’dame, dit le lutin, visiblement intimidé.

Elenos remarqua que lorsque la vieille femme s’était énervée contre Flanbürgh, ses yeux avaient pris une légère teinte rouge.

(Bizarre…), pensa-t-elle.

- Il n’y a rien d’étrange pourtant, dit la prénommée Néose, toi aussi tu peux le faire non ?

« Hein ? Euh… non. Mais… qui êtes-vous madame ? Vous… »

- Quoi ? T’a toujours pas deviné ? Oh là, là, tu te ramolli ma vieille…, dit Flanbürgh en ricanant.

« Tu as dit quelque chose ? »

- Non, non…

Néose regarda par la fenêtre. Le ciel était encore d’un bleu clair, bien qu’il commençait à décliner vers les couleurs du crépuscule. Les nuages, au loin, devenaient peu à peu roses. Quelques faibles étoiles apparaissaient lentement, tintant le ciel de faibles lumières. Les passants étaient presque tous partis, juste certains étaient restés, notamment les créatures qui préféraient la nuit.
La femme se retourna. Elle regarda d’abord Elenos quelques secondes, puis le lutin, qui hocha la tête discrètement, qui dit :

- En fait, je n’ai pas de grand-mère, comme tous les lutins, excepté notre Grande Élicéphorya…

« Non, mais ok, c’est pas ta grand-mère… »

- Oui, peut-être, mais c’est quand même notre « mère » à nous, les lutins des bois ! dit-il, visiblement contrarié.

- Le soleil décline, les heures passent et la nuit se lève. Vous devez partir avant qu’elles arrivent, sinon vous serez dans le pétrin, et, comme on ne va pas y passer la journée, je vais faire vite, coupa Néose.

Néose remonta la manche gauche de sa longue robe de soie bleutée avec des gestes lents. Sur sa peau blanche et brillante, un tatouage bleu marine. Il était placé en haut de son épaule et faisait dix bon centimètres de hauteur, et il représentait…

« Un loup », dit Elenos.

Ce loup était très réaliste. Sa longue forme se dessinait en caractères très fins, et personne n’aurait pu être étonné si il avait bougé.

- Tu as deviné, dit Néose.

« J’ai le même, exactement au même endroit ! », affirma Elenos.

Elle souleva également sa manche gauche, laissant paraître un loup sur son épaule, mais légèrement plus petit et d’une couleur plus pale. Elenos se rapprocha de la vieille femme pour mieux comparer leurs tatouages. Dès qu’ils ne furent qu’a quelques centimètres, les loups entrèrent en surbrillance.

(Je suis sure qu’ils brilleraient si on éteignait la lumière), pensa Elenos.

- Eloigne-toi un peu pour voir, demanda Néose.

Elenos s’exécuta. Les tatouages rouges redevinrent bleus, aussi vite que si on avait mis du métal chauffant dans un seau d’eau glacé. L’elfe entendit Flanbürgh murmurer un « étonnant », tandis que la grand-mère hocha la tête.

« Euh… », commença Elenos.

A vrai dire plutôt, elle ne savait pas par où commencer. Elle avait tellement de choses à demander, et tout se mélangeait dans sa tête, ce qui n’arrangeait pas les choses.

- On a va commencer facile, commença la grand-mère. Je m’appelle Néose, j’ai 684 ans, elfe. Ce tatouage, seuls les membres de ta famille le possèdent. Devine la suite.

« Hein ? Mais… ce n’est pas possible… »

- Et si Elenos, c’est ta grand-mère, annonça Flanbürgh, avec un air de « c’est moi qui ai dit la chose la plus intelligente au monde, et dire que toi, tu ne le savais même pas ».

« QUOI ?! »

Il lui fallut seulement deux heures pour reprendre ses esprits. Lunaya était venue imposer sa loi, la nuit étant venue, et Skardrid partit éclairer d’autres endroits. La froideur de la nuit arrivait, faisait naître de la buée sur les fenêtres.
Néose lui expliqua tout depuis le début, lorsque les assassins attaquèrent le village natal d’Elenos, quand cette dernière avait été contrainte de s’enfuir, tandis qu’elle, elle avait combattu comme une lionne, démolissant environ un quart des assassins. Flanbürgh de put s’empêcher de noter : « elle tient la forme la vieille », ce qui lui avait fallut un aller simple pour les nuages.
Ensuite, elle lui expliqua que seuls quelques assassins avaient réussis à fuir, avant d’avoir presque parvenu à décimer toute sa famille. Elle poursuivit :

- A présent, nous ne sommes plus que neuf membres de notre prestigieuse famille encore en vie. Il y a Siana, une de tes cousines, elle s’est mariée il n’y a pas si longtemps d’ailleurs et elle a deux enfants. Un autre de tes cousins, Elys, je n’ai pas trop d’information à son sujet à pat qu’il est fiancé, il doit avoir la vingtaine… si jeune. Il y a Mae, elle a seulement deux ans de plus que toi, Shiri, elle a 4 ans de moins que toi, ensuite… hum… il y a ton père je crois, ton grand frère, ton petit frère, toi et moi.

« C’est… tout ? » demanda Elenos.

- Oui, malheureusement. Mais le plus dur est pour ceux qui continuent à vivre, ce raccrochant aux bribes d’espoir pour ne pas tomber dans la dépression nerveuse.

« Euh… le début de votre phrase était bien, mais la fin… », commenta Elenos.

- Allez, va te coucher petite, ça se voit que tu ne te sens pas très bien. Et si tu as d’autres questions, tu me les poses demain, compris.

« Oui…mais… »

- Pas d’objections vu ?

« Et… Flanbürgh ? »

- Avec un peu de chance, il se sera fait dévorer…

« Grand-mère ! »

Les rougeurs de l’aurore commençaient à s’évanouir, se transformant en gris clair. La pluie tombait en petite gouttes sur les plantes et les bâtiments. Le temple paraissait encore plus beau les jours de pluie : les couleurs bleutés des briques étaient encore plus voyantes, et la statue semblait encore plus réelle. Les maigres vagues s’écrasaient sur la côte, éclaboussant les bateaux amarrés là.
Elenos était déjà levée et observer la mer, les gouttes de pluie lui tombant sur le visage. Elle était assise sur le quai, près des bateaux et ses pieds nus trempaient dans l’eau gelée. Elle se sentait à l’aise les jours de pluie, bien plus que ceux où il avait beaucoup de soleil. Doz, elle, s’en fichait un peu, du moment où elle pouvait chasser en douce (elle était interdite de chasse et devait se convertir en panthère végétarienne sous la surveillance d’Elenos, mais elle se souvenait encore du goût de la viande), la chouette, elle, préférait les jours où il faisait beau et où elle pouvait voler tranquillement, ainsi que Flanbürgh, car il disait que les arbres étaient plus bavards quand il faisait beau car les jours de pluie, ils étaient occupés à boire.
Un hurlement soudain perça alors le silence. Il provenait d’une certaine maison où étaient à présent logés, lutin, chouette et panthère. Elenos se leva et sauta (non sans difficultés) sur le toit d’une maison, et entreprit de sauter de maison en maison jusqu'à trouver la bonne. Elle était silencieuse, et les hurlements avaient cessés. Elle était presque arrivée à destination quand quelque chose siffla derrière elle. Elenos se retourna : Une énorme boule de feu fonçait vers elle. Elle eu le réflexe de lancer une contre-attaque en envoyant un jet d’eau sur la boule avant que le feu ne l’atteigne.

(Ouf, j’ai eu chaud), pensa-t-elle.

Elle regarda vers où était la maison de sa grand-mère, et remarqua qu’elle était placée sur un bâtiment immensément plus haut que les autres. Elle se rapprocha du bord et observa que d’ici, elle voyait toute la ville excepté le temple du dieu Stratus.

(Oh, zut !).

Elle sauta sur plusieurs de haut avant d’atterrit au sol avec agilité, comme si elle n’en avait sauté qu’un. En fait, elle avait été sur le toit du temple. Pas étonnant qu’on l’ait attaqué, habituellement, ceci est plus considéré comme un sacrilège qu’un accident.
Elenos entreprit continuer, mais cette fois ci sur la terre ferme. Elle courut assez vite, étant donné qu’elle était arrivée moins de cinq minutes après l’accident.
Elle ouvrit la porte de la maison si fort qu’elle aurait pu s’arracher de ses gongs. Le spectacle qu’elle vit avait faillit l’étouffer de rire : la panthère, apparemment, avait dévasté toute la maison pour attraper à ce qu’on dirait, Flanbürgh, car il avait du la provoquer. Le lutin était caché derrière une aile de la chouette qui essayait de s’en dégager, tandis qu’il s’accrochait de toute sa minuscule force à ses plumes. Doz, elle, continuait d’essayer d’attraper le lutin, bien que la chouette la fuyait car elle ne voulait pas finir broyée.
Flanbürgh commença un appel au secours :

- Appelle… (il fut étouffé sous un flot de plumes) la… (il esquiva un coup de griffes) VIEILLE ! Hurla-t-il pour finir sa phrase.

Elenos éclata rire tout en esquivant les coups de rage de la panthère. Un bruit sourd parvint alors, et Flanbürgh fut propulsé à environ… sur le mur, tandis que son petit chapeau pointu transpercé d’un couteau, pendait au dessus de sa tête.

- Que je te reprenne plus à m’appeler comme ça, morveux, annonça la grand-mère.

- Mon châpeaaaaau ! Se lamenta Flanbürgh.

- C’est qu’un bonnet, tu vas pas en mourir, dit Néose.

- Un chapeau de lutin, c’est comme… son âme ! C’est sacré, vital ! Tu viens de me condamner à mort !

- Je peux t’aider si tu veux, dit Doz, le regard brillant et se léchant les babines.

Une longue dispute à propos des droits des lutins et des droits de ne pas consommer de viande s’en suivit. Néose en profita pour dire un mot à Elenos :

- Elles arrivent, je te conseille de partir tout de suite.

« Hein ? »

- Tu as raison, il vaut mieux prendre le temps de déjeuner, ajouta Néose.

Elenos l’a suivit à l’intérieur, bien qu’elle fût toujours perplexe. Elle ouvrit deux ou trois fois la bouche, mais ne dit rien.
La terre tremblait légèrement, une petite secousse sismique de passage, rien d’inquiétant, mais Elenos nota quand même que ce fut dès qu’elle commença que Néose lui demanda de partir. L’elfe restait interdite. Flanbürgh ne bougeait pas, on aurait même dit qu’il ne respirait pas tellement sa tête était rouge, mais Elenos savait que c’était dût à l’alcool. Le lutin appuya même cette supposition en sortant une petite bouteille de la taille d’un bouchon de liège (bref, la moitié de la taille de Flanbürgh) et en but plusieurs gorgées. A chaque gorgée, il descendait un petit peu, si bien qu’il n’arrêta de boire que lorsqu’il fut tombé à la renverse sur le seuil de la porte.
A la plus grande surprise d’Elenos, Néose sortit :

- Chope-le et lance-le à l’intérieur, il ne faut pas qu’il reste dehors.

Elenos prit ça pour une marque de compassion et manqua de sortir : « qui êtes vous et qu’avez-vous fait de ma grand-mère », mais elle se retint, au risque de se faire lancer dans la mer maintenant agitée.
La magicienne s’assit sur une chaise, placée en oblique. Elle était accoudée à la table de bois. Dessus, il y avait juste une coupe de fruit.

(Un bien maigre petit déjeuner…), pensa Elenos.

Elle prit une pomme et tenta de ranimer Flanbürgh qu’elle avait emmené à l’intérieur en le tenant par une pointe d’une de ses petites chaussures vertes. Avec un doigt, absolument pas précieusement, elle appuya sur le ventre du lutin. Aucune réaction. Elle entreprit alors de lui tirer la barbe avec deux de ses doigts. Flanbürgh attrapa alors un des doigts d’Elenos puis lança :

- Aaaah ! Pourquoi m’as-tu dérangé ? je rêvais de ma très chère et tendre Watma d’am…

Flanbürgh ne put finir sa phrase, car il était à présent enfouit sous une grosse pomme de plusieurs grammes. Néose intervint en disant :

- Justement, en parlant de connaissances…, il y a deux personnes ou plus, je ne sais pas trop…, bref, il y a quelques personnes que tu connais dans la forêt d’Arkan, en Argonnie, si je ne me trompe pas.

« Comment le savez-vous », demanda Elenos.

- Hum… disons que je suis un peu voyante…, en plus, il serait fort possible qu’en forêt, tu retrouves la personne que tu cherches…

« Mon frère ? », s’exclama Elenos.

Fin !! (j'avais oublié de le noter alors...)
suite dans : https://lespierresdudestin.forumsrpg.com/viewtopic.forum?p=1200#1200